[2022] 3 R.C.F. F-7
Assurance-emploi
Demandes de contrôle judiciaire portant sur deux décisions de la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (la Division d’appel) — En cause était l’admissibilité des deux défendeurs-prestataires à la prestation d’assurance-emploi d’urgence (la PAEU) établie dans le cadre de la partie 18 de la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19, L.C. 2020, ch. 5 — Les demandes soulevaient l’interprétation et la portée de l’article 153.9 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) — Les deux défendeurs (MM. Gagnon et St-Louis) n’ont pas participé à l’appel et n’ont fait aucune représentation devant la Cour — Confronté aux conséquences désastreuses entraînées par la pandémie de COVID-19 pour l’économie canadienne et les travailleurs, le gouvernement canadien a rapidement adopté deux programmes de remplacement du revenu le 25 mars 2020 — Le premier a été créé par l’article 8 de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence, L.C. 2020, ch. 5 (la Loi sur la PCU) et le deuxième programme est venu remplacer temporairement les prestations dont aurait pu se prévaloir une personne au titre de la Loi; il s’agissait de la PAEU — Le ministre de l’Emploi et du Développement social a pris des arrêtés provisoires d’urgence afin d’atténuer les répercussions économiques engendrées par la pandémie — Dans son premier arrêté provisoire, le ministre a ajouté l’article 153.5 et les paragraphes 153.9(1) à (3) à la Loi; ensuite un deuxième arrêté provisoire a été pris qui a ajouté le paragraphe 153.9(4) à la Loi — Aux termes de l’article 153.8, tout « prestataire » peut demander la PAEU pour toute période de deux semaines commençant un dimanche et se terminant entre le 15 mars et le 3 octobre 2020 — C’est le paragraphe 153.9(1) qui régit les conditions d’admissibilité — Par ailleurs, le paragraphe 153.9(2) prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible à recevoir la PAEU s’il reçoit d’autres types énumérés de prestations — Quant au défendeur M. Gagnon, il a présenté une demande initiale de prestation d’assurance-emploi prenant effet le 15 mars 2020 — Les prestations demandées furent converties en PAEU par l’effet de l’article 153.5 et de l’alinéa 153.9(1)b) — Bien que sa dernière journée payée ait été le 23 avril 2020, M. Gagnon a déclaré être sans rémunération pour la période du 15 mars 2020 au 16 mai 2020 — M. Gagnon a contacté la Commission et l’a informée qu’il avait reçu une rémunération de son employeur le 2 avril 2020, expliquant que son employeur avait décidé de continuer à le payer bien qu’il n’ait pas travaillé — Il a par la suite contacté la Commission en octobre 2020 pour l’informer qu’il avait été payé par son employeur jusqu’au 25 avril 2020 — Il a alors demandé s’il devrait rembourser les prestations déjà reçues entre le 15 mars et le 25 avril 2020 — La Commission a examiné le dossier de M. Gagnon et lui a envoyé un avis de dette en raison de la rémunération reçue de son employeur entre ces dates — Le trop payé initial pour cette période était d’un montant de 1 376 $ — M. Gagnon a contesté ce montant — La Commission a conclu que M. Gagnon était effectivement inadmissible aux prestations pour la période entière du 15 mars 2020 au 9 mai 2020 — Subséquemment, M. Gagnon a de nouveau contesté le montant de 1 376 $ qu’on lui réclamait, mais la Commission a maintenu sa décision initiale tout en modifiant le montant du trop-payé pour maintenant l’établir à 2 752 $ — Ce calcul était fondé sur les montants reçus par M. Gagnon de son employeur au cours des deux blocs de quatre semaines du 15 mars au 9 mai 2020 — M. Gagnon a porté cette décision de la Commission en appel devant la Division générale — La Division générale a entériné la position de la Commission et a conclu que M. Gagnon n’était pas admissible à recevoir la PAEU entre le 15 mars et le 9 mai 2020, puisqu’il avait reçu un montant supérieur à 1 000 $ au cours des périodes de quatre semaines qui se succèdent entre ces deux dates — M. Gagnon a demandé la permission d’en appeler de cette décision, qui lui a été accordée par la Division d’appel — Quant à M. St-Louis, il a présenté une demande initiale de prestation d’assurance-emploi le 23 mars 2020 — Cette demande a été convertie en demande de PAEU et a pris effet le 22 mars 2020 — M. St-Louis a reçu un paiement anticipé de 2 000 $ (équivalent à quatre semaines de prestation), qui lui a été versé le 6 avril 2020 — Contacté par la Commission le 23 juillet 2020, M. St-Louis a demandé que ses déclarations pour la période du 22 mars au 4 avril 2020 soient supprimées et que la Commission ne les traite pas, de façon à éviter de devoir rembourser un trop-payé — Initialement la Commission a informé M. St Louis qu’il n’avait pas droit au paiement de 2 000 $ et qu’il devait rembourser cette somme qui constituait un prêt remboursable et ce du fait qu’il n’y avait aucune période de quatre semaines où il avait gagné 1 000 $ ou moins — Bien qu’il n’ait reçu aucune rémunération pour les semaines du 29 mars, 5 avril et 12 avril 2020, il avait gagné 1 200 $ durant la semaine du 22 mars — La Division générale a rejeté l’appel de M. St-Louis et a adopté l’interprétation de la Commission — La Division d’appel a conclu dans les deux cas, et pour des motifs quasi identiques que la Division générale avait commis une erreur de droit en interprétant de manière erronée les dispositions de la Loi traitant de l’admissibilité à la PAEU — En conséquence, elle a rendu la décision qu’aurait dû rendre à son avis la Division générale, et a conclu que les deux prestataires étaient admissibles à la PAEU — Il s’agissait de savoir si l’interprétation qu’a retenue la Division d’appel des paragraphes 153.9(1) et (4) de la Loi était raisonnable — Le demandeur soutenait que l’interprétation de ces deux dispositions retenues par la Division d’appel était déraisonnable et n’était pas conforme au texte, au contexte et à l’intention du législateur — Il a d’abord fait valoir que le texte du paragraphe 153.9(4) était susceptible de plusieurs interprétations — Contrairement aux arguments du demandeur, il n’y avait aucune ambiguïté dans le texte des paragraphes 153.9(1) et (4) — Le premier traite des conditions d’admissibilité, au nombre desquelles se trouve l’exigence relative à la perte de revenu — Dans tous les cas prévus par cette disposition, un prestataire sera admissible s’il remplit un certain nombre de conditions — Quant au paragraphe 153.9(4), il prévoit une exception à l’exigence relative à la perte de revenu — Dans l’hypothèse où un prestataire reçoit des revenus d’emploi de 1 000 $ ou moins pendant une période de quatre semaines, il est « réputé » satisfaire à l’exigence relative à la perte de revenu du paragraphe 153.9(1) — Ceci n’est qu’une présomption — C’est le paragraphe 153.9(1) qui fixe les exigences relatives à la perte de revenu; le paragraphe 153.9(4) n’est là que pour prévoir une exception — Si un prestataire ne satisfait pas à cette exception, le paragraphe 153.9(1) continue de s’appliquer et le prestataire continuera d’être admissible s’il satisfait à l’exigence relative à la perte de revenu prévue par ce paragraphe — L’interprétation retenue par la Division d’appel n’était pas incompatible avec les objectifs de la Loi — Le but de la PAEU, comme celui du régime d’assurance-emploi, est de venir en aide aux prestataires qui se trouvent involontairement sans emploi, sans distinction en fonction des revenus ou de la richesse du prestataire — Par conséquent, l’interprétation retenue par la Division d’appel dans les deux dossiers en question n’était pas déraisonnable — Elle s’accordait avec le texte de l’article 159, le contexte dans lequel son paragraphe (4) a été adopté, et l’objectif plus large poursuivi par le législateur non seulement dans le cadre de la PAEU, mais également du régime des prestations régulières d’assurance-emploi — Demandes rejetées.
Canada (Procureur général) c. Gagnon (A-278-22, A-279-22, 2023 CAF 174, juge de Montigny, J.C.A., motifs du jugement en date du 4 août 2023, 25 p.)