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Accès à l’information

Contrôle judiciaire d’une décision du défendeur de communiquer plusieurs documents demandés en application de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi) — Le défendeur a rendu deux décisions  : d’abord en juillet 2018 (la décision de juillet), puis en août 2018 (la décision d’août) — La décision d’août, qui faisait l’objet de la présente demande, prévoyait la communication de deux types de documents  : 1) les journaux d’incidents (les journaux) et 2) les formulaires sur l’efficacité du rappel (les formulaires) (collectivement, les documents contestés) — La demanderesse a fourni les deux types de documents au défendeur lors d’un rappel volontaire en 2016 de certains modèles de ses laveuses à chargement par le haut de marque Kenmore et Samsung — Elle a soutenu que les documents contestés étaient exemptés de la divulgation parce qu’ils (i) contiennent des renseignements commerciaux confidentiels, et (ii) que leur divulgation porterait préjudice à sa position concurrentielle et financière — Le défendeur n’était pas du même avis; il a affirmé que cette demande était irrecevable parce que la demanderesse aurait dû présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de juillet, mais ne l’a pas fait — Il a affirmé en outre que la décision d’août qui sous-tendait la présente demande était invalide parce que la Loi n’autorise pas le défendeur à rendre plus d’une décision — En 2016, la demanderesse a eu connaissance de plusieurs incidents mettant en cause ses laveuses; dans ces cas, les couvercles supérieurs de certaines laveuses se sont détachés pendant l’utilisation, causant des dommages aux biens, mais pas de blessures ou de décès — La demanderesse a communiqué des renseignements concernant ces incidents au défendeur, conformément à ses obligations aux termes de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, L.C. 2010, ch. 21 (LCSPC) — La demanderesse a publié un communiqué de presse indiquant qu’elle travaillait avec le défendeur sur les problèmes de sécurité potentiels des laveuses; elle a par la suite publié d’autres communiqués de presse, dans lesquels elle a lancé le rappel — La demanderesse et le défendeur ont affiché des avis de rappel sur leurs sites Web respectifs, dans le cadre des protocoles exigés par la LCSPC — Ces avis fournissaient des renseignements sur les laveuses concernées et le danger qui a conduit au rappel — Le défendeur a reçu une demande d’accès à l’information visant la divulgation des documents liés au rappel (la demande) — Le défendeur a notifié la demanderesse – conformément aux exigences de l’art. 27(1) de la Loi – des documents qu’il avait cernés comme étant en réponse à la demande; il a aussi fourni à la demanderesse un dossier de divulgation prévu (les documents) — La demanderesse a répondu à l’avis, expliquant que certains documents étaient exemptés de divulgation en application de l’art. 20 de la Loi — Le défendeur a concédé d’autres caviardages dans les documents; toutefois, avant la décision de juillet, un désaccord subsistait sur le statut de certains documents non caviardés, y compris sur les documents contestés — En juillet 2018, le défendeur a informé la demanderesse qu’il avait envoyé la décision de juillet par courrier, qui comprenait la lettre de notification aux termes de l’art. 28 de la Loi et un ensemble de documents que le défendeur avait déterminé comme étant assujettis à la divulgation aux termes de la Loi — Entre les deux décisions, les parties ont discuté davantage de la portée appropriée de la divulgation aux termes de la Loi — Le défendeur a fait d’autres concessions et informé la demanderesse qu’il annulait officiellement la décision de juillet — Il a par la suite envoyé à la demanderesse une autre trousse de divulgation proposée et lui a demandé si elle présenterait des objections — Il a ensuite publié sa décision d’août, à l’encontre de laquelle la demanderesse a déposé la présente demande dans le délai prévu par la loi — La question préliminaire était de savoir laquelle des décisions était maintenue — Il s’agissait principalement de savoir si le défendeur a omis à tort de soustraire les documents contestés à la divulgation aux termes de la Loi pour des motifs de confidentialité (art. 20(1)b)) ou de préjudice (art. 20(1)c)) — Le défendeur a affirmé que la décision d’août a été prise par erreur, et sans pouvoir, car la législation permet seulement au ministre de rendre une seule décision; il a soutenu que seule la décision de juillet était maintenue — Vu les faits en l’espèce, y compris l’invitation du défendeur à la demanderesse à fournir des représentations supplémentaires après avoir « officiellement annulé » la décision de juillet, et son avis d’une décision « définitive » imminente juste avant de publier la décision d’août, la demanderesse avait de bonnes raisons de se fier aux représentations du défendeur concernant la décision de juillet, et de bonnes raisons de retarder le début d’une demande de contrôle judiciaire pour continuer à négocier avec le défendeur — La décision d’août n’était pas une erreur; elle n’était pas un événement isolé, mais plutôt un événement qui a mis en cause plusieurs communications et négociations réfléchies — La demanderesse, ayant reçu de l’assurance que l’avis antérieur avait été « officiellement annulé » et qu’une « décision définitive » serait rendue, était en droit de se fier aux observations du ministère — Du point de vue du respect de la loi, la décision d’août était la seule décision légale prise aux termes de l’art. 28 de la Loi, et l’institution ne pouvait par la suite se rétracter en faveur de la décision antérieure annulée — En outre, la demanderesse a invoqué à juste titre la préclusion promissoire dans ses arguments relatifs au caractère déterminant de la décision d’août — Étant donné les paroles et la conduite sans ambiguïté du défendeur et étant donné qu’il avait indiqué à la demanderesse qu’il était toujours disposé à négocier, la demanderesse était en droit de défendre ses actions au moyen de la préclusion promissoire; le défendeur ne pouvait pas, après le début du litige, dire qu’il avait rendu sa deuxième décision par erreur, de sorte que seule sa première décision était valable — Par conséquent, la décision d’août était valable, la décision de juillet était nulle et sans effet, et la présente demande de contrôle judiciaire a été correctement déposée dans le délai légal de 20 jours — La demanderesse a soumis les documents contestés au défendeur dans le cadre de son rappel de 2016, conformément à ses obligations aux termes de l’art. 14 des protocoles de rappel de la LCSPC — Les documents contestés ont été créés après les événements impliquant les laveuses et répondant à la définition légale d’un « incident » énoncée à l’art. 14(1) de la LCSPC — La demanderesse a demandé que les documents contestés soient exemptés de la divulgation en application de l’art. 20(1)b) de la Loi — Le défendeur a répliqué que les documents contestés n’étaient pas exemptés aux termes de l’art. 20(1)b), plus particulièrement parce que les renseignements contenus dans les documents contestés n’étaient pas « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » au sens de la Loi; il a décrit les renseignements contenus dans les documents contestés comme ne relevant pas du champ d’application de l’art. 20(1)b); il a soutenu que certains des renseignements contenus dans les documents contestés étaient déjà accessibles au public — Les tribunaux doivent examiner les exceptions prévues à l’art. 20 à la lumière de l’objectif général de la Loi, soit d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions (art. 2(1) de la Loi) — Cependant, la Cour doit également pondérer ce droit d’accès avec les droits des tiers mis en cause, de sorte que les exceptions indispensables à ce droit doivent être précises et limitées — Un tiers qui fait valoir que des renseignements sont exemptés de la divulgation aux termes de l’art. 20(1)b) doit établir quatre critères selon la prépondérance des probabilités, à savoir que les renseignements en question sont  : (i) de nature financière, commerciale, scientifique ou technique; (ii) confidentiels; (iii) constamment traités comme étant confidentiels par le tiers; et (iv) fournis à une institution fédérale par un tiers — Le fait de ne pas établir l’un des quatre éléments sera fatal à la demande d’exemption d’un tiers — La demanderesse n’a pas réussi à démontrer que les documents contestés justifiaient une exemption de divulgation aux termes de l’art. 20(1)b) pour deux raisons  : les parties des documents contestés que le défendeur n’a pas encore soustraits à la divulgation ne contenaient aucun renseignement « financier, commercial, scientifique ou technique » au sens de la Loi; les renseignements contenus dans les documents contestés n’étaient pas confidentiels — Le législateur n’avait pas l’intention d’exempter le type de renseignements en cause dans les documents contestés — Ces renseignements, que le défendeur n’avait pas encore caviardés aux termes de l’art. 19(1) ou de l’art. 20(1)b) de la Loi, n’étaient pas de nature commerciale, mais concernaient plutôt la sécurité publique — Puisque les documents contestés ne contenaient pas de renseignements « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques », comme l’exige l’art. 20(1)b), ils devaient être communiqués — En outre, ils n’étaient pas « confidentiels » — Conformément à l’art. 14 de la LCSPC, la demanderesse avait l’obligation légale de colliger et de fournir les documents contestés au défendeur — Le législateur n’a fourni aucune orientation quant à la façon dont la LCSPC interagit avec la Loi, et les tribunaux n’ont pas non plus interprété la loi dans le contexte des rappels — Bien que la demanderesse ait pu subjectivement s’attendre à ce que les renseignements contenus dans les documents contestés demeurent confidentiels, son attente à cet égard n’était pas objectivement raisonnable — Les documents contestés ont vu le jour en raison du rappel, dans le contexte de la LCSPC, qui est un contexte de la sécurité des consommateurs et du public — En outre, une grande partie du contenu des documents contestés était déjà communiquée dans les avis de rappel — En bref, l’exemption de communication des documents contestés ne renforçait pas l’intérêt public  : au contraire, elle saperait le fort intérêt public à obtenir accès à l’information — Les documents n’étaient pas non plus soustraits à la divulgation aux termes de l’art. 20(1)c) de la Loi — Les deux principales considérations au titre de l’art. 20(1)c) sont le degré de probabilité qu’un préjudice soit causé et le type de préjudice — Dans le cas de la demanderesse, le fardeau de preuve pour qu’un demandeur puisse invoquer avec succès l’exemption de l’art. 20(1)c) ne peut pas être satisfait simplement par une preuve par affidavit qui affirme que la divulgation causerait le type de préjudice prévu dans la disposition — Au lieu de cela, il faut des éléments de preuve supplémentaires établissant que des résultats préjudiciables sont vraisemblablement probables — La preuve du préjudice découlant de la divulgation peut seulement être établie par les documents particuliers en cause dans une demande d’accès — Une telle évaluation est propre aux faits et dépend des circonstances de chaque cas — En l’espèce, en dépit de la preuve par affidavit, une grande partie des renseignements concernant le rappel avait déjà été rendue publique dans les avis affichés sur les sites Web du défendeur et de la demanderesse — La demanderesse n’a pas indiqué clairement la manière dont les renseignements contenus dans les formulaires contestés pourraient nuire davantage à sa compétitivité — Conclure que les documents contestés risqueraient vraisemblablement de causer des pertes appréciables à la demanderesse ou de nuire à sa compétitivité au sens de l’art. 20(1)c) élargirait indûment la portée de la disposition et minerait à la fois le régime de communication de la Loi et son objet — La demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer une preuve au-delà d’une simple possibilité de préjudice; par conséquent, l’exemption de l’art. 20(1)b) ne soustrayait pas les documents contestés à la communication — Demande rejetée.

Samsung Electronics Canada Inc. c. Canada (Santé) (T-1617-18, 2020 CF 1103, juge Diner, motifs du jugement en date du 29 janvier 2021, 59 p.)

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