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Ordonnances de confidentialité

Appel d’une décision de la Cour fédérale (2018 CF 938) accueillant un appel d’une décision de la protonotaire qui a rejeté une requête déposée par le commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada (le commissaire), en vertu de la règle 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), visant l’obtention d’une ordonnance de confidentialité à l’égard de certains aspects du dossier certifié supplémentaire dont le dépôt avait été ordonné par la protonotaire — L’appelante est devenue vice-présidente des communications et des affaires publiques pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments en 2014 — Des employé(e)s ont déposé deux plaintes pour harcèlement psychologique contre l’appelante — Le commissaire a conclu que l’appelante avait commis des actes répréhensibles visés par la Loi — Par sa demande de contrôle judiciaire, l’appelante demandait au commissaire de lui transmettre, conformément à la règle 317, copie de tous les documents et de toute l’information étant en sa possession et ayant fait l’objet de l’enquête et de la décision — Le commissaire a déposé une opposition en vertu de la règle 318(2) — La protonotaire a conclu que l’ordonnance de confidentialité recherchée par le commissaire n’était pas justifiée dans les circonstances — La Cour fédérale a énoncé que la protonotaire avait omis de considérer la décision de la Cour suprême dans l’arrêt A.B. c. Bragg Communications Inc., 2012 CSC 46, [2012] 2 R.C.S. 567 — Elle était d’avis que la protonotaire avait erré en exigeant que le commissaire démontre les effets préjudiciables de la divulgation publique de l’identité des divulgateurs et des témoins — Elle a conclu qu’il ne pouvait faire de doute que le législateur considérait comme essentiel la confidentialité des divulgations et des témoignages aux fins des objectifs de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la Loi) — Elle a aussi conclu que le commissaire avait démontré que l’ordonnance recherchée était nécessaire pour assurer l’anonymat des témoins et des divulgateurs — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a erré en accueillant l’appel de la décision de la protonotaire — Compte tenu des principes énoncés par la Cour suprême, notamment dans les arrêts Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522 et Bragg, il ne peut faire de doute que la Cour fédérale a erré en concluant comme elle l’a fait — La Cour fédérale a justifié son intervention au motif que la protonotaire avait imposé au commissaire un fardeau de preuve trop onéreux — Elle a érigé en principe absolu que la divulgation des noms des divulgateurs et des témoins devait toujours être prohibée — En concluant ainsi, la Cour fédérale a mal compris les enseignements de la Cour suprême et plus particulièrement ceux énoncés dans l’arrêt Bragg — Il est incontestable que dans l’arrêt Bragg la Cour suprême n’a nullement remis en question les principes énoncés dans la jurisprudence, dont l’arrêt Sierra Club, selon lesquels le préjudice qui pouvait résulter d’une divulgation devait être « bien étayé par la preuve » — La Cour suprême s’est attardée, non pas au fardeau de preuve reposant sur celui qui désirait obtenir une ordonnance de confidentialité, mais plutôt sur la qualité ou la nature de la preuve devant être mise de l’avant pour obtenir l’ordonnance recherchée — L’exercice de la discrétion sous la règle 151 requiert qu’un juge analyse tous les faits pertinents et toutes les circonstances susceptibles de démontrer l’existence ou non d’un préjudice à l’égard de l’intérêt important que l’on cherche à protéger et ainsi rendre l’ordonnance appropriée — La Cour fédérale n’a nullement tenté d’exercer sa discrétion en la présente instance — Elle a conclu au préjudice sérieux sans aucune preuve pouvant justifier sa conclusion — Elle a confondu l’existence d’un intérêt important, à savoir la protection des divulgateurs et des témoins, avec l’existence d’un risque sérieux de préjudice pouvant résulter d’une divulgation de l’identité de ces derniers — Le fait que le législateur ait énoncé dans la Loi qu’il était nécessaire d’établir des mécanismes de divulgation et de protection, ne mène nullement à la conclusion que dans tous les cas de dénonciation, le public n’aura pas droit de connaître l’identité des divulgateurs et des témoins — La Cour fédérale devait se pencher sur la question à savoir s’il existait ou pouvait exister un risque sérieux de préjudice en l’instance pour les divulgateurs et les témoins si leur identité était rendue publique — Elle a omis de s’interroger sur cette question puisqu’elle a conclu que l’existence de la Loi suffisait pour en arriver à une conclusion de risque sérieux de préjudice — Elle a subordonné l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à ce qu’elle estimait être l’objectif de la Loi — Ce faisant, sa démarche analytique a eu pour effet de convertir le pouvoir discrétionnaire sous la règle 151 en pouvoir lié — Telle n’était pas l’intention du législateur en édictant la Loi — La règle 151 et les principes formulés par la Cour suprême doivent être considérés relativement à toute détermination d’une ordonnance de confidentialité — Appel accueilli.

Desjardins c. Canada (Procureur général) (A-316-18, 2020 CAF 123, Nadon J.C.A., motifs du jugement en date du 17 juillet 2020, 37 p.)

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