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Pénitenciers

Appel de la décision de la Cour fédérale (C.F.) rejetant les demandes de contrôle judiciaire des appelants qui contestaient la légalité et la constitutionnalité de la Directive du Commissaire du service correctionnel 730, de la Directive du Commissaire du service correctionnel 860 (Directives), et des modifications apportées au Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (Règlement) — Jusqu’en 1981 les rémunérations que les détenus recevaient pour leur travail étaient considérées comme une récompense pour bonne conduite — Lors de l’adoption de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (Loi), le Parlement a choisi de modifier la philosophie relative à la rétribution des délinquants — La rétribution des détenus est une des mesures incitatives pour encourager les délinquants à atteindre les objectifs de leur plan correctionnel — L’art. 78(2) de la Loi prévoit que le Service correctionnel du Canada (Service) peut effectuer des retenues et exiger des versements — L’art. 104.1(2) du Règlement énonce des utilisations possibles de ces retenues — Les détails du régime de rémunération des détenus sont prévus aux deux Directives — Les modifications apportées au Règlement et aux Directives ont eu pour effet de réduire la rétribution disponible des détenus — Les appelants ont fait valoir notamment que le Règlement et les Directives seraient ultra vires de la Loi et contraires aux art. 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) — Ils ont aussi soutenu qu’il existerait une relation employeur-employé entre les détenus et le Service, et la diminution de leur rétribution constituerait donc un « congédiement déguisé » au sens où l’entend le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (Code) — La C.F. a conclu que les textes réglementaires adoptés « en stricte conformité » avec l’art. 78 de la Loi ne sauraient être ultra vires, que les paiements en cause – et leur réduction – ne constituaient pas un traitement cruel et inusité au sens de l’art. 12 de la Charte — La C.F. n’était pas convaincue en particulier que les mesures contestées engageaient un intérêt protégé par l’art. 7 de la Charte — Il s’agissait de déterminer si les modifications apportées au Règlement et aux Directives contrevenaient à l’art. 7 de la Charte; si elles sont invalides parce qu’elles sont contraires à l’art. 76 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies et la Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 de l’Organisation internationale du Travail; et s’il existe une relation employeur-employé entre les appelants et le Service — La C.F. a eu raison de conclure que les appelants n’avaient pas démontré en quoi les mesures contestées allaient à l’encontre des principes de justice fondamentale — Les appelants ne recherchaient pas l’invalidation d’une mesure étatique qui enfreindrait l’exercice d’un droit que leur garantit la Charte, mais ont soutenu plutôt que leur droit à la sécurité impose à l’État des obligations positives de nature économique — Les tribunaux canadiens ne sont jamais allés aussi loin et ont systématiquement refusé d’imposer ce genre d’obligations de nature économique à l’État — La Cour suprême dans l’arrêt Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429 semble plutôt militer à l’encontre d’une obligation positive de l’État de pourvoir au maintien de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne par le biais de mesures économiques — La situation des appelants ne différait pas suffisamment de celles des bénéficiaires d’aide sociale qui était en cause dans l’affaire Gosselin pour qu’il soit justifié d’en arriver à une autre conclusion — La C.F. a à bon droit rejeté les prétentions des appelants fondées sur le droit international public — Les Règles minima prévoient tout au plus que le travail des personnes détenues doit être rémunéré de façon « équitable » sans plus de précision, n’imposent aucune obligation aux pays signataires et ne comportent pas de mécanisme de contrainte — La Convention sur le travail forcé exclut « tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire » — L’art. 78(2) de la Loi ne souffre d’aucune ambiguïté et les instruments internationaux ne sont donc d’aucune utilité pour en préciser le sens et encore moins pour en modifier la portée — La C.F. n’a pas erré en concluant que les appelants n’avaient pas établi une relation employeur-employé découlant de leur participation aux programmes mis à leur disposition par le Service — Elle aurait dû refuser de se prononcer sur la question de l’application du Code, étant donné que les appelants n’avaient pas épuisé leurs recours administratifs — En supposant même que le Code puisse recevoir application, c’est plutôt au moyen d’une plainte en recouvrement de salaire que cette demande aurait dû être faite — Les appelants, même dans la mesure où ils pourraient être considérés comme des employés, sont exclus de la Partie III du Code — À la question de savoir si les appelants peuvent être considérés comme ayant une relation employeur-employé en vertu de la common law, ils auraient dû procéder par voie d’action en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 — La relation de la Couronne avec ses employés est régie par le droit des contrats — Par conséquent, la C.F. n’était pas habilitée à traiter de cette question dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire — L’objet véritable des programmes offerts par le Service est la réhabilitation et non l’emploi — Le paragraphe 78(1) de la Loi ne permet d’ailleurs au Commissaire de rétribuer les détenus que pour encourager leur participation aux programmes offerts par le Service ou leur procurer une aide financière particulière — On ne trouve nulle mention d’une compensation pour un travail effectué [69] — Le niveau de rétribution d’un détenu est fondé sur des critères qui diffèrent de ceux qui sous-tendent le salaire normalement versé à un travailleur — Appel rejeté.

Guérin c. Canada (Procureur général) (A-75-18, 2019 CAF 272, de Montigny, J.C.A., motifs du jugement en date du 4 novembre 2019, 32 p.)

 

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