Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Droit d’auteur

Violation

Appels d’un jugement (2016 CF 294) et d’un jugement supplémentaire (2016 CF 387) rendus par la Cour fédérale (C.F.), faisant droit à l’action de l’intimée (Association canadienne de normalisation ou ACN) en violation du droit d’auteur, enjoignant aux appelants (Knight Co.) de s’abstenir de poursuivre la violation et leur ordonnant de restituer à l’intimée tous les exemplaires contrefaits de la version 2015 du Code canadien de l’électricité, 1re partie (Code), ordonnant à l’appelante P.S. Knight Co. Ltd. de verser des dommages-intérêts préétablis et adjugeant à l’intimée ses dépens — Dans un jugement supplémentaire, la C.F. a évalué ces dépens à 96 336 $ et a ordonné à Knight Co. de les payer — L’ACN, une société fédérale à but non lucratif, élabore des normes volontaires, met celles-ci à l’essai et les certifie — Elle publie un Code depuis 1927 — Le droit d’auteur à l’égard du Code de 2015 a été enregistré en faveur de l’intimée — Knight Co. est une concurrente commerciale de l’intimée — Elle a publié le Electrical Code Simplified (l’ECS), soit une version simplifiée du Code de l’ACN — Dans une lettre qu’elle lui avait fait parvenir en 1969, l’ACN avait donné à Peter Knight (ancien président et directeur de Knight Co.) la permission de citer le Code de l’électricité de l’ACN — En 2010, l’intimée a résilié toute licence autorisant Knight Co. à reproduire des extraits du Code — Knight Co. a reproduit et menacé de distribuer une copie identique et complète du Code de 2015 au tiers du prix — L’intimée a institué une demande sous le régime des règles 61 et 300 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, qui a donné lieu aux jugements en appel dans la présente affaire — En droit fédéral, le Code n’est pas un règlement et il ne doit pas nécessairement être publié par le gouvernement fédéral, quoique les autorités compétentes doivent assurer l’accessibilité à celui-ci — Le Code n’est pas un texte au sens de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-2, ou du Décret sur la reproduction de la législation fédérale et des décisions des tribunaux de constitution fédérale, TR/97-5 — La C.F. a conclu notamment que l’intimée avait droit aux présomptions de propriété et de validité créées par l’art. 34.1(2)a) de la Loi sur le droit d’auteur — Elle a écarté les arguments selon lesquels, d’une part, l’ACN n’a pas exercé le talent et le jugement suffisants en compilant les œuvres d’autrui et, d’autre part, le Code n’est pas assez original pour justifier la protection conférée par le droit d’auteur — Elle a conclu que la version du Code de Knight Co. n’a pas été publiée à des fins pédagogiques, mais plutôt en tant qu’acte commercial concurrentiel — Il s’agissait principalement de déterminer si la C.F. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le droit d’auteur subsistait quant au Code; que le droit d’auteur relatif au Code n’appartenait pas à la Couronne; qu’en l’absence d’un droit d’auteur de la Couronne, l’ACN détenait le droit d’auteur quant au Code; il s’agissait aussi de savoir si la C.F. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les appelantes n’ont pas établi la défense de l’utilisation équitable — La C.F. n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le droit d’auteur subsistait à l’égard de la version de 2015 du Code — Au Canada, n’importe quel écrit peut être l’objet d’un droit d’auteur à condition qu’il soit original, ce qui comprend les lois et les règlements, ainsi que le reconnaît l’art. 12 de la Loi sur le droit d’auteur — L’expression « les droits ou privilèges de la Couronne » dans cette loi préserve « les droits et les privilèges de la Couronne qui sont de la même nature générale que le droit d’auteur » — Cette disposition représente une exception au principe général énoncé à l’art. 89 de la Loi sur le droit d’auteur — Les lois et les règlements sont mis à la disposition du public par l’entremise, sous la direction ou la surveillance des ministères fédéraux, territoriaux et provinciaux — Ils relèvent par conséquent de la portée de l’art. 12 — Il était dans l’intérêt public de reconnaître le droit d’auteur de l’ACN à l’égard du Code — Compromettre la capacité de l’ACN de générer un revenu pourrait avoir une incidence négative sur l’existence continue de normes nationales communes dans des secteurs où l’uniformité est importante — La C.F. disposait d’éléments de preuve permettant d’établir le caractère original requis du Code de 2015 — Le fait que des modifications apportées au Code de 2015 ont été élaborées par comité n’a pas fermé la porte à la protection conférée par le droit d’auteur — La C.F. n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la Couronne n’était pas titulaire d’un droit d’auteur à l’égard du Code — Le Code n’a pas été préparé ni publié sous la direction ou la surveillance de la Couronne — L’on ne peut conclure par extrapolation à l’existence d’une telle direction ou surveillance à partir du régime législatif — Ni la Couronne ni aucun ministère gouvernemental n’a énoncé de lignes directrices sur la forme que le Code doit revêtir — La Couronne n’a pas fait valoir de droit ou de privilège à l’égard du Code; les appelants ne peuvent pas le faire à la place de la Couronne — Bien que la Couronne ait un droit en common law qui s’apparente au droit d’auteur et qui lui permet d’imprimer et de publier certaines œuvres de nature législative, ce droit ne s’applique pas à l’égard des œuvres intégrées par renvoi, dont le Code — Au niveau fédéral, dans toutes les provinces, le Code a été intégré par renvoi à un règlement plutôt qu’à une Loi, à un décret ou à une proclamation — Il ne relève donc pas de la portée du droit en common law de la Couronne d’imprimer et de publier — Ce droit ne permet pas à la Couronne de priver ceux qui sont dans la position de l’intimée des droits que leur confère la Loi sur le droit d’auteur — La C.F. n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que l’intimée détenait un droit d’auteur valide à l’égard du Code de 2015 — Elle a conclu à tort que la présomption énoncée à l’art. 34.1(2)a) de la Loi sur le droit d’auteur s’appliquait — Toutefois, cette erreur était sans conséquence étant donné que la présomption énoncée à l’art. 34.1(2)b) s’appliquait à l’égard de l’intimée — Si l’intimée ne peut être reconnue comme étant l’« auteur » du Code, elle peut en être « l’éditeur ou [le] titulaire du droit d’auteur » pour l’application de l’art. 34.1(2)b) — La C.F. aurait dû conclure que l’enregistrement du Code de 2015 a été fait dans le cours normal des affaires, de sorte que l’intimée était par ailleurs réputée être titulaire du droit d’auteur à l’égard du Code de 2015 en vertu de l’art. 53(2) de la Loi sur le droit d’auteur — La C.F. n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que les appelants n’avaient pas établi les éléments requis pour fonder une défense de l’utilisation équitable — La C.F. a combiné diverses parties du critère applicable aux fins de la défense de l’utilisation équitable, mais cela ne justifie pas une intervention, puisque la C.F. a tiré l’unique conclusion possible compte tenu des faits, à savoir que l’utilisation du Code par les appelantes n’était pas équitable — Les appelants ont satisfait au premier volet du critère relatif à l’utilisation équitable étant donné que cette utilisation visait, à tout le moins en partie, une fin permise — Toutefois, il n’a pas été satisfait au deuxième volet du critère — Six facteurs énoncés dans l’affaire CCH Canadian Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, ont permis de conclure sans hésitation que l’utilisation faite par les appelants n’était pas équitable — Il n’y avait aucune raison de modifier l’adjudication des dépens par la C.F. — Appels rejetés — Le juge Webb, J.C.A. (dissident) : Il s’agissait de savoir dans la présente affaire si une personne, autre que la Couronne, qui est l’auteur d’un document ou qui acquiert par ailleurs le droit d’auteur relatif à un document, conserve le droit d’empêcher une autre personne de publier ce document après son intégration dans les lois du Canada — Étant donné que le Code a été intégré par renvoi au Règlement sur les installations pétrolières et gazières au Canada, DORS/96-118 (Règlement) et que l’omission de s’y conformer entraîne des conséquences importantes, le Code fait partie des lois du Canada — Il ne devrait y avoir aucune différence, en ce qui concerne l’application du droit de la Couronne de publier, entre le fait d’intégrer le Code par renvoi et le fait de copier et de coller le Code entier dans un Règlement — Étant donné que les répercussions d’une omission de se conformer au Code sont les mêmes, que ce Code soit reproduit au complet dans un Règlement ou qu’il y soit intégré par renvoi, la prérogative de la Couronne devrait s’appliquer à l’égard du Code entier — La Couronne n’est pas une organisation distincte, et elle devrait avoir le droit de déterminer comment et par qui le Code est publié — Dès lors que la Couronne a adopté le Code en l’intégrant par renvoi à un Règlement, c’est la Couronne, et non l’intimée, qui aurait le droit exclusif de déterminer qui pourrait publier le Code — L’application du Règlement relève de la prérogative de la Couronne — Le Code est considéré comme faisant partie du texte du Règlement — En conséquence, la prérogative de la Couronne s’applique aussi à l’égard du Code — L’intimée ne devrait pas avoir le droit d’empêcher P.S. Knight Co. Ltd. de publier le Code, pas plus qu’elle ne devrait avoir le droit d’empêcher la Couronne de le publier — L’on ne peut considérer comme étant contraire à l’intérêt public le fait d’avoir un accès accru à la loi à un prix réduit — Étant donné que l’intégration du Code par renvoi au Règlement a fait en sorte que le Code est considéré comme faisant partie du texte du Règlement, le Décret sur la reproduction de la législation fédérale et des décisions des tribunaux de constitution fédérale, TR/97-5 permettrait à P.S. Knight Co. Ltd. de publier le Code — P.S. Knight Co. Ltd. avait le droit de soulever la question de la prérogative de la Couronne dans la présente affaire — Toutefois, la prérogative de la Couronne de publier un décret adoptant un Règlement a déjà été exercée — Le Code a été intégré par renvoi au Règlement et fait donc partie du Règlement — Puisque le Décret sur la reproduction de la législation fédérale et des décisions des tribunaux de constitution fédérale permettait à quiconque de copier une texte, la Couronne a déjà accordé à P.S. Knight Co. Ltd. le droit de copier le Code.

P.S. Knight Co. Ltd. c. Association canadienne de normalisation (A-90-16, A-121-16, 2018 CAF 222, juges Gleason et Webb, J.C.A., jugement en date du 7 décembre 2018, 78 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.