Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[2018] 4 R.C.F. F-22

Impôt sur le revenu

Nouvelle cotisation

Appel à l’encontre d’une décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) confirmant le bien-fondé d’une nouvelle cotisation établie par la ministre du Revenu national (la ministre) à l’égard de l’année d’imposition 2005 du contribuable — La nouvelle cotisation a été délivrée par le jeu de la règle générale anti-évitement (RGAÉ) prévue à l’art. 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5suppl.) — L’appelant est président d’Hervé Pomerleau Inc., une société qui exerce ses activités dans le domaine de la construction — Il voulait se faire verser des fonds par cette société afin de construire un chalet — Une planification a été proposée afin de minimiser l’impact fiscal de l’encaissement envisagé — Cette planification s’articulait autour de la préservation du prix de base rajusté (PBR) de certaines actions de Groupe Pomerleau Inc. (Groupe Pomerleau), l’unique actionnaire d’Hervé Pomerleau Inc. — Le capital-actions de Groupe Pomerleau était détenu par les membres de la famille Pomerleau; il s’agissait d’actions de catégorie F — Afin de mettre en œuvre la planification proposée, les membres de la famille ont transféré leurs actions à une société de portefeuille du nom de P Pom Inc. (P Pom), puis à l’appelant — P Pom a procédé au rachat de ses actions au prix égal à leur juste valeur marchande — L’application de l’art. 84(3) de la Loi a provoqué un dividende réputé de 994 628 $ et la réalisation d’une perte en capital de 994 628 $ pour l’appelant — Cette perte fut réputée nulle en application de l’art. 40(3.6)a) de la Loi et a été ajoutée au PBR des actions détenues par l’appelant dans le capital-actions de P Pom — Ainsi, le PBR de ces actions est passé à 1 993 812 $ — L’appelant a ensuite cédé ses actions de catégorie A à Gestion Pierre Pomerleau Inc. (Gestion), société de portefeuille, en contrepartie des actions de catégories A et C de Gestion — Le transfert s’est effectué par voie de roulement, conformément à l’art. 85(1) de la Loi — Les actions de Gestion ont été rachetées pour un montant égal à leur capital versé mettant ainsi la somme de 1 993 812 $ entre les mains de l’appelant à titre de remboursement de capital — L’appelant a évité l’application de l’art. 84.1 de la Loi — L’art. 84.1 prévoit, entre autres, que lorsqu’un particulier transfère des actions d’une société en faveur d’une autre société (les « actions concernées ») avec laquelle il a un lien de dépendance et qu’il reçoit des actions en contrepartie (les « nouvelles actions »), le capital versé des nouvelles actions est égal au plus élevé du capital versé des actions concernées ou de leur PBR — Aux fins de ce calcul, le PBR des actions concernées doit être réduit lorsque leur PBR est constitué de sommes à l’égard desquelles une déduction pour gains en capital a été réclamée antérieurement par le contribuable ou une personne liée au contribuable — La soustraction n’a eu aucun effet en l’espèce en raison de l’application combinée des art. 40(3.6)a),b) et 53(1)f.2) de la Loi provoquée par la planification mise en œuvre par l’appelant — Selon la ministre, ce résultat allait à l’encontre de la raison d’être de l’art. 84.1(2)a.1) parce qu’à même la somme de 1 993 812 $ reçue par l’appelant lors du rachat des actions de Gestion, 994 628 $ représentaient un montant à l’égard duquel la déduction pour gains en capital avait été réclamée et sur lequel l’impôt n’avait donc pas été payé — La nouvelle cotisation établie par la ministre a eu pour effet de rendre l’appelant redevable de l’impôt sur un dividende réputé de 994 628 $ en vertu de l’effet combiné des art. 84.1(1)a) et 84(3) — La C.C.I. a conclu que l’objet et l’esprit de l’art. 84.1 ont été contournés par le résultat obtenu dans la présente affaire — Il s’agissait de savoir si la conclusion de la C.C.I. était juste — C’est à bon droit que la C.C.I. a conclu que le retrait de la somme de 994 628 $ à même les surplus de Gestion sans qu’un impôt soit perçu allait à l’encontre de l’objet et de l’esprit de l’article 84.1 et, plus précisément, de l’art. 84.1(2)a.1)(ii) — Les deux notions fondamentales qui sous-tendent cette disposition sont le capital versé des actions et leur PBR entre les mains de l’actionnaire — Le but recherché par l’art. 84.1 est d’empêcher que des montants qui n’ont pas été assujettis à l’impôt puissent être utilisés afin de permettre à des actionnaires de retirer des surplus d’une société en franchise d’impôt — Les montants qui peuvent être retirés en franchise d’impôt sont limités au capital versé — L’art. 84.1 a pour mission plus particulièrement d’empêcher que soient ajoutés au capital versé des montants issus d’opérations entre personnes ayant un lien de dépendance lesquels n’ont pas été assujettis à l’impôt — L’art. 84.1(2)a.1) modifie le PBR de l’action concernée afin d’empêcher que des montants représentés par cette valeur accrue puissent faire croître le capital versé d’une nouvelle action — En l’occurrence, c’est cette soustraction prévue à l’art. 84.1(2)a.1)(ii) qui n’a pu s’opérer et a donné lieu à l’avantage fiscal — Par suite d’une série d’opérations menées par l’appelant et les membres de sa famille, le « montant » auquel réfère l’art. 84.1(2)a.1)(ii) n’en était plus un « à l’égard duquel une déduction a été demandée en vertu de l’art. 110.6 », mais représentait plutôt la perte réputée provoquée par l’appelant — Il s’en est suivi que l’art. 84.1(2)a.1)(ii) n’a pu réduire le PBR des actions concernées et, de façon concomitante, que l’art. 84.1(1)a) n’a pas réduit le capital versé des nouvelles actions — Cela a permis à l’appelant de retirer 994 628 $ en franchise d’impôt à la suite du rachat des actions par Gestion — L’art. 84.1 a une portée qui va au-delà de son texte — L’art. 84.1(2)a.1)(ii) exige que l’on aille au-delà du PBR des actions concernées et que l’on s’interroge sur la provenance des fonds qui le constituent afin de voir s’ils ont été assujettis à l’impôt — Si l’on s’en remet à l’objet et à l’esprit de l’art. 84.1(2)a.1)(ii), ce qui importe est le lien entre les montants qui n’ont pas été assujettis à l’impôt et l’utilisation qui est faite de ces montants pour obtenir une distribution libre d’impôt — L’interposition planifiée du dividende réputé prévu à l’art. 84(3) et de la perte réputée en vertu de l’art. 40(3.6)a) n’a affecté en rien le fait que le montant de 994 628 $ a continué de représenter une somme sur laquelle l’impôt n’a jamais été payé — L’art. 84.1 empêche que des personnes ayant un lien de dépendance puissent profiter de la proximité de leur relation afin de retirer de leur société en franchise d’impôt des fonds qui n’ont pas été assujettis à l’impôt — Rien dans le libellé ou l’objet et l’esprit de cette disposition ne laisse entrevoir une quelconque intention d’écarter de sa portée de tels retraits lorsqu’ils sont orchestrés par les membres d’une même famille, quel que soit le contexte — Appel rejeté.

Pomerleau c. Canada (A-456-16, 2018 CAF 129, juge en chef Noël, jugement en date du 29 juin 2018, 42 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.