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[2018] 4 R.C.F. F-23

Impôt sur le revenu

Pénalités et intérêts

Appel de la décision (2017 CF 642) par laquelle la Cour fédérale (C.F.) a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’intimé de refuser un allègement à l’appelante en ce qui concerne l’exigence relative à la production de déclarations de revenus en vertu des dispositions discrétionnaires d’allègement pour les contribuables prévues aux art. 220(2.1) et (3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 — L’appelante est une entreprise privée qui gagnait un revenu de location et qui, donc, était admissible à un remboursement partiel de l’impôt lorsque son revenu était distribué à ses actionnaires au titre de dividendes — Le remboursement au titre de dividendes est prévu à l’art. 129(1) de la Loi — L’appelante a omis de produire des déclarations de revenus, laissant expirer le délai applicable pour les années d’imposition 2003 à 2011 — Elle a tiré parti du Programme des divulgations volontaires et a divulgué un revenu non déclaré en produisant ses déclarations de revenus tardives — L’intimé a délivré des avis de cotisation dans lesquels il a rejeté les demandes d’un remboursement au titre de dividendes de l’appelante — L’appelante a présenté une nouvelle demande en vertu de l’art. 220 de la Loi afin  : qu’il soit renoncé à l’exigence de produire des déclarations de revenus des sociétés dans un délai de trois ans pour obtenir un remboursement au titre de dividendes; que ce délai soit prorogé; que les pénalités et les intérêts soient annulés — L’intimé a rejeté la demande, faisant valoir que l’art. 220(3) de la Loi ne s’applique qu’à l’égard de l’art. 150(1) de la Loi et qu’il ne s’applique pas à l’égard de l’art. 129(1) de la Loi — La C.F. a conclu qu’elle n’était pas compétente, car l’affaire mettait en cause l’interprétation de la Loi, qui relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) — L’appelante a fait valoir notamment que l’intimé était habilité, en vertu de l’art. 220(3), à proroger le délai de production des déclarations de revenus de trois ans en application de l’art. 129(1) — Il s’agissait de savoir si la C.F. a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a conclu qu’elle n’était pas compétente; si l’intimé a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas compétent pour exercer le pouvoir discrétionnaire qu’on lui avait demandé d’exercer — Le juge Woods, J.C.A.  : La C.F. a à tort décidé que la C.C.I. avait compétence exclusive pour trancher des questions nécessitant l’interprétation de la Loi — La compétence de la C.C.I. ne s’applique pas à l’égard du contrôle judiciaire des décisions de l’intimé prises en vertu des dispositions discrétionnaires de la Loi qui prévoient un allègement pour les contribuables — Il convenait en l’espèce que la Cour examine à nouveau la demande de contrôle judiciaire de l’appelante — Il n’y avait aucune raison fondée sur un principe d’attribuer aux art. 129(1) et 220(3) le sens restrictif proposé par l’intimé — La décision de l’intimé était déraisonnable et incorrecte — Le texte seul de l’art. 220(3) confère à l’intimé le pouvoir discrétionnaire d’accorder l’allègement demandé par l’appelante — Cette interprétation est conforme au contexte et à l’objectif des dispositions qui, comme l’art. 220(3), prévoient un allègement à l’intention des contribuables — Les art. 220(2.1) et (3) sont des exemples de mesures d’allègement ayant une application générale, qui donnent à l’intimé le pouvoir de soustraire un contribuable à l’obligation de produire des déclarations de revenus dans l’ensemble de la Loi — La décision de l’intimé n’a pas pris en considération comme il se devait la portée de cette disposition — Dans les circonstances où une disposition prévoit un allègement à l’intention des contribuables, comme l’art. 220(3), il y a lieu de donner effet à cette disposition à moins d’une intention contraire exprimée en des termes clairs par le législateur — Le législateur ne l’a pas fait à l’art. 129(1) — S’il avait voulu que les dispositions générales d’allègement de l’art. 220(3) ne s’appliquent pas à l’égard de l’art. 129(1), le législateur aurait pu facilement l’indiquer en des termes explicites — Le délai de production fixé à l’art. 129(1) offre une certaine finalité, mais l’on ne souhaitait pas qu’il soit généreux ou qu’il doive l’emporter sur les dispositions générales d’allègement à l’intention des contribuables — Même si l’appelante avait obtenu précédemment une prorogation sous le régime du Programme des divulgations volontaires, il n’existait aucune raison d’interdire une autre prorogation à une autre fin prévue dans la Loi — L’affaire a été renvoyée à l’intimé pour qu’il examine la demande d’allègement de l’appelante en vertu des art. 220(2.1) et (3) — Appel accueilli — Le juge Stratas, J.C.A. (dissident)  : La Cour suprême dans l’affaire Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018 CSC 2, [2018] 1 R.C.S. 6 (Delta) n’a pas exigé que la Cour détermine elle-même le bien-fondé d’une affaire, se prononce sur le bien-fondé pour l’organisme administratif, puis rédige les motifs de l’organisme administratif — La décision rendue dans l’affaire Delta a fait ressortir le fait que les organismes administratifs doivent quand même faire leur travail — Les tribunaux de révision n’ont pas carte blanche pour rédiger les motifs pour le décideur en droit administratif — La décision rendue dans l’affaire Delta est appuyée par un principe constitutionnel fondamental, à savoir que les lois adoptées par le législateur ont force obligatoire pour tous, y compris les organismes administratifs et les tribunaux — Elle est appuyée aussi par le rôle bien établi du tribunal de révision — Dans la présente affaire, l’intimé n’a exprimé que sa position finale en ce qui concerne l’art. 220(3) — Du fait de ce silence, dont le sens ne peut être compris au moyen d’une interprétation légitime, la Cour ne devrait pas être mise au service de l’intimé et contrainte d’assumer la tâche de ce dernier de rédiger des motifs — La ministre devrait faire le travail que lui a confié le législateur, celui d’examiner les dispositions pertinentes, de les interpréter, de se prononcer sur leur sens et de joindre à sa décision une explication permettant un examen véritable — La décision de l’intimé devait lui être renvoyée pour qu’il examine l’affaire dans son ensemble et rende une décision.

Bonnybrook Industrial Park Development Co. Ltd. c. Canada (Revenu national) (A-230-17, 2018 CAF 136, juges Stratas et Woods, J.C.A., jugement en date du 18 juillet 2018, 38 p.)

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